Optique paraxiale et points cardinaux
Grâce aux lois de l’optique paraxiale, il est possible de prédire le trajet de la lumière dans les systèmes optiques dont le plus précieux: l’œil. Connaître ces lois permet de modéliser l’œil comme un système optique imageur et établir des méthodes de corrections efficaces.
L’optique est toutefois une discipline dont la terminologie est parfois difficile, et les phénomènes impliqués dans la propagation de la lumière peuvent être perçus de manière un peu confuse. Pour mieux les appréhender, il est nécessaire de définir les objectifs à étudier. L’optique paraxiale permet de prédire l’emplacement et la taille des images formées par les structures réfractives de l’œil (cornée, cristallin ou implant: voir par exemple les pages consacrées au calcul de la puissance optique paraxiale de la cornée, et au calcul de la puissance optique paraxiale du cristallin).
Cette page est consacrée à l’étude simplifiée d’un système optique dans les conditions paraxiales, et la découverte de ses points cardinaux. Ceci permet d’en caractériser les propriétés optiques vis à vis des rayons qui sont réfractés au voisinage de l’axe optique.
Il est important de suivre les explications pas à pas, afin de bien comprendre les règles qui permettent d’établir les points et plans remarquables d’un système optique paraxial, sans oublier que ceux-ci sont des constructions théoriques, quoique utiles pour simplifier l’étude du trajet des rayons lumineux au travers de systèmes réfractifs simples.
Système optique en conditions paraxiales
Un système optique peut être constitué de différents éléments destinés à « dévier » le trajet de la lumière. L’oeil humain comporte des surfaces réfractives (les surfaces avant et arrière de la cornée et du cristallin), qui séparent différents milieux: ces surfaces dévient le trajet des rayons émis de sources lumineuses diffusantes ou réfléchissantes de manière à focaliser ces rayons sur la rétine et y former une image des sources observées. Pour que la qualité de cette image soit bonne, il est préférable que la rétine soit située dans le plan focal du système global constitué par les structures réfractives (cornée, humeur aqueuse, cristallin et vitré). Un objectif d’appareil photo doit satisfaire au même but: amener les rayon lumineux émis ou réfléchis par le sujet ou la scène photographiée à être focalisés dans le plan du capteur CCD (ou de la pellicule).
Pour connaître le trajet de la lumière à travers un système, on peut utiliser les formules de ray tracing (lancer de rayon), qui dérivent des lois de la réfraction de Snell-Descartes. Quand le système comporte de nombreuse surfaces et milieux réfractifs, le calcul peut s’avérer fastidieux, surtout si l’on cherche à calculer le trajet de nombreux rayons.
Simplification en conditions paraxiales
Heureusement, un système optique « complexe » peut être ramené à un un système plus simple dont il suffit de connaître la position de certains points, appelés points cardinaux. Munis de ces informations, on peut prédire le trajet de la lumière, et calculer l’endroit où se forme l’image d’un objet donné, la taille de cette image (toujours dans des conditions paraxiales, c’est à dire pour des rayons proches de l’axe optique). Dans le cas de l’œil, on peut considérer que les conditions paraxiales sont satisfaites tant que le diamètre de la pupille demeure inférieur à 3 mm environ.

Un système optique composé d’un assemblage de lentilles dévie la lumière par une série de réfraction successives. L’étude du trajet de la lumière au travers du système peut être accomplie en calculant les inflexions subies par un rayon incident parallèle (en trait plein bleu), entrant dans le système par la gauche (milieu objet) près de l’axe optique (représenté en pointillés rouges) et se propageant vers la droite (milieu image).
Points cardinaux du système optique
Ainsi, pour déterminer le trajet d’un nombre restreint de rayons lumineux afin de substituer à ce système complexe un système théorique simplifié, il faut connaître la position des points cardinaux du système.
Foyer optique image
Commençons par déterminer la position du foyer du système optique.
Il suffit de lancer au travers du système deux rayons bien choisis. Le premier, incident et parallèle à l’axe optique, coupe nécessairement l’axe optique au foyer après réfraction par le système (définition du foyer image). On détermine ainsi l’un des premiers points cardinaux : le foyer image (F’).

Les foyers du système sont les points cardinaux faciles à appréhender (dans le cas d’un système focal). Ils sont situés sur l’axe optique. Un rayon parallèle à l’axe optique émerge du système et coupe l’axe optique au foyer. Il est important de noter que le rayon émergent « sort » du système à une hauteur différente à laquelle il y est entré (dans cet exemple cette hauteur de sortie est moindre). Notons aussi au passage que déterminer le comportement du système équivaut à connaître pour chaque rayon incident dont on connaîtrait la hauteur et l’angle formé avec l’axe optique à l’entrée l’angle et la hauteur correspondantes en sortie, : les formules de ray tracing paraxiales permettent de solutionner ce problème: pour chaque couple « angle/hauteur » en entrée, on obtient un couple « angle/hauteur » de sortie après une certaine distance de parcours.
Le rayon émergent possède une direction de propagation différente du rayon incident car dirigé vers le foyer: il émerge à une hauteur différente de la hauteur d’entrée (désignée par h).

Comme souligné, la hauteur (distance à l’axe optique) du rayon à la sortie est moindre que la hauteur du rayon à l’entrée.
Foyer optique objet
Pour déterminer l’autre foyer, il faut tracer un deuxième rayon: on choisit celui qui « sort » du système à la hauteur h et possède une direction parallèle à l’axe optique.

Les rayons qui traversent par le foyer objet sortent du système en formant un angle nul avec l’axe optique (le rayon émergent est parallèle à l’axe optique). Sur le schéma, on a choisi volontairement de représenter le rayon incident (en trait plein de couleur turquoise) qui donne un rayon émergent qui sort du système à la même hauteur que le rayon précédent (en bleu sur le schéma). On peut déterminer facilement le trajet de ce rayon en effectuant un ray tracing « inverse » qui part du milieu image et d’un rayon incident à la hauteur h: cf pointillés turquoise)
On connait ainsi un deuxième point cardinal : le foyer objet F.
Plans principaux
Si l’on prolonge le trajet de ces rayons (c’est-à-dire le rayon incident issu du foyer objet et le rayon émergent qui coupe le foyer image – cf pointillés sur le schéma suivant), jusqu’à la ligne horizontale correspondant à la hauteur h du rayon incident en entrée (et celle du rayon émergent en sortie) on peut définir une paire de points, appelés O et O’. O’ est l’image de O: deux rayons incidents se croisent en O, et les deux rayons émergents correspondants se croisent en O’.

Il existe une paire de points conjugués (O’ est l’image de O), situés à la distance h de l’axe optique.
Cette image est virtuelle car il est difficile de placer un écran qui la recueillerait au sein du système. Nous avons choisi une hauteur d’entrée arbitraire pour le premier rayon, et aurions pu obtenir la même construction pour n’importe quel rayon incident parallèle à l’axe optique (et situé relativement proche de lui pour demeurer dans les conditions paraxiales). On obtiendrait pour chaque rayon une paire de point (O, O’): tous les points « O » seraient situés dans un plan perpendiculaire à l’axe optique, de même que l’ensemble des points O’. Ces plans sont respectivement appelés plan principal objet et plan principal image respectivement.

On a représenté ici la direction des ces plans appelés « plans principaux », qui coupent l’axe optique en P et P’. P et P’ sont les points principaux, qui sont aussi des points cardinaux du système optique. Le grandissement pour les points situés dans ces plan est égal à un: si on pouvait recueillir dans le plan (P’O’) une image d’un objet situé dans le plan (PO), on observerait que cette image a l’a même taille et la même orientation que l’objet. Entre O et O’, tout se passe comme si la lumière allait « tout droit », parallèlement à l’axe optique. On pourrait imaginer « plier » l’espace de manière à ce que les plan PO et P’O’ soient confondus; le trajet de rayons lumineux ne semblerait pas modifié. Les points principaux sont parfois notés H et H’.
Points principaux
L’intersection entre les plans principaux et l’axe optique définit les points principaux. C’est à partir de ces points que l’on définit les longueurs focales du système :la distance P’F’ est dans notre exemple la distance focale image effective.
Le système optique complexe peut maintenant être ramené à un système simplifié:

On substitue au système optique initial un système simple, constitué des plans principaux, et des foyers, dont on connait les positions respectives. La distance focale effective (effective focal length), appelée f, correspond à la distance P’F’. Si le système optique est situé dans l’air, les distances FP et P’F’ sont identiques.
Grandissement de l’image
Pour calculer la position et le grandissement d’une image, il suffit de connaître la valeur des éléments suivants, en particulier la distance entre le plan principal objet et le foyer objet (f) et la distance entre le plan principal image et le foyer image (f’). Quand n = n’, on a forcément : f =f’

Un rayon incident parallèle à l’axe optique rencontre le plan principal image, est réfracté vers le foyer image f’. Un rayon incident passant par le foyer objet rencontre le foyer principal objet et est réfracté parallèle à l’axe optique.
Si ‘on considère un objet AB, orthogonal à l’axe optique (non ponctuel), on peut construire son image A’B’ (qui est également orthogonale) en observant que si A est sur l’axe optique, son image A’ l’est également. Il reste à déterminer l’emplacement de B’: il suffit d’utiliser les propriétés des rayons qui sont parallèle à l’axe optique, ou qui traversent un foyer:

Pour déterminer la position de l’image d’un objet AB, on trace deux rayons issus de B; l’un est parallèle à l’axe optique, l’autre passe par le foyer objet. Le premier rayon est réfracté et passe par le foyer image. Le second est réfracté et de vient parallèle à l’axe optique. L’intersection des deux rayons permet de localiser B’. La formule de conjugaison permet de calculer la position de B’, si l’on connait la position de A vis-à-vis des plans principaux H, et les distance focale f et f’.
Dans le cas d’une lentille « mince », tout se passe comme si les plans passant par H et H’ étaient confondus et contenaient le centre (O) de la lentille. La formule de conjugaison devient : n’/OA’ – n/OA = n’/f’ =D. Dans l’air (n=1) on obtient : 1/OA’ – 1/OA= D
voir également la page: lentille épaisse
Propriétés liées aux plans principaux
Les points principaux possèdent une propriété intéressante quand le milieu objet a le même indice de réfraction que le milieu image: un rayon incident croisant un point principal objet selon un angle donné avec l’axe optique donne un rayon émergent qui forme le même angle.

Pour un système optique où l’indice de réfraction du milieu objet est identique à celui du milieu image, tous les rayons incidents qui coupent le point P et forment un angle ϴ avec l’axe optique donnent chacun un rayon émergent qui fait un angle identique avec l’axe optique. Le grandissement angulaire est égal à l’unité pour ces rayons.
Cette propriété des points principaux disparaît si l’indice du milieu image (n’) diffère de celui du milieu objet (n). C’est le cas de l’œil, car le couple « cornée cristallin » réfracte en général des rayons lumineux incidents provenant d’un milieu aérien (n=1) dans un milieu aqueux (humeur vitrée, n=1.336).

Les rayons incidents qui contiennent P donnent après réfraction des rayons émergent qui forment un angle différent (ϴ’). On peut comprendre intuitivement cette différence (pour n’>n) comme une « dilatation » des distances liées à la différence d’indice, c’est-à-dire de vitesse de propagation de la lumière: pour n’>n, la position de F’ est en distance géométrique plus grande que si n’=n
Point nodal
On peut toutefois trouver une autre paire de points (distincts des points principaux), appelée points nodaux (un point est dit « nodal »), et pour lesquels le grandissement angulaire est égal à 1: les rayons incidents dirigés vers le point nodal d’entrée donnent chacun un rayon émergent qui forme un angle identique avec l’axe optique.

La distance entre les points nodaux NN’ est égale à la distance PP’ et on peut montrer que la distance FP est égale à la distance N’F’. De même, PN=P’N’= f + f’ (en valeurs algébriques)
Il est important de noter que pour l’œil humain la distance focale effective (f’, proche de 22 mm en moyenne) n’est pas égale à la distance entre le point nodal postérieur (équivalent à N’) et F’ (proche de 17 mm en moyenne). Ces distances diffèrent également de la longueur focale postérieure (back focal length), qui est la distance physique entre la dernière lentille et le plan focal. Dans le cas de l’œil humain, la distance focale postérieure est proche de la distance entre le point nodal postérieur et la rétine (voir schéma sur cette page), car le point nodal postérieur est situé près du plan de la capsule postérieure du cristallin. En apparence, les rayons qui passent par le point nodal antérieur ne semblent pas déviés par le système optique; des rayons colinéaires de couleurs différentes (longueur d’onde) subissent la même réfraction angulaire s’ils passent par le point nodal: il n’y a pas d’aberration chromatique transverse. Il est intéressant de « centrer » une source de lumière polychromatique sur un axe contenant les points nodaux et le centre du capteur d’image. Dans le cas de l’œil, l’axe reliant la fovéa au point nodal postérieur puis le point nodal antérieur à la cible fiée est pour certains l’axe visuel ou du moins l’axe visuel « achromatique ».
Le calcul biométrique destiné à fournir la puissance de l’implant en chirurgie de la cataracte permettant d’obtenir la réfraction souhaitée pour le patient fait en général appel à un œil modèle paraxial. Les distances entre les éléments du système (cornée et cristallin) ainsi que leur distances focales (dont l’inverse fournit la vergence) doivent être établies à partir des plans principaux.
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