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Nomogramme de Gatinel pour la correction de la presbytie chez l’hypermétrope.

Généralités

Cette correction conjointe de la presbytie et de l’hypermétropie est l’enjeu de ce nomogramme, et repose sur un modèle théorique établi, ainsi que des résultats cliniques jugés satisfaisants.

Elle vise à pallier l’absence de consensus et de bases théoriques bien établies pour la réalisation du « presby-LASIK« .

Toutes les stratégies de correction multifocales partagent certains aspects avec la technique de monovision , où on induit une différence de correction intentionnelle entre les deux yeux. L’approche multifocale s’en distingue par le maintien d’une meilleure acuité visuelle pour l’oeil non dominant.

Les clés du succès reposent sur :

  1. L’obtention d’une bonne acuité visuelle en vision de loin pour l’oeil dominant, qui bénéficie également d’une amélioration de la vision intermédiaire et gagne quelques lignes en vision de près.
  2. Une bonne acuité visuelle non corrigée en vision de près pour l’oeil non dominant, mais, à la difféence de la monovision classique, en limitant la réduction de l’acuité visuelle  de loin de cet oeil, grâce à la multifocalité.

Ainsi, l’acuité visuelle stéréoscopique (perception du relief avec les deux yeux) est meilleure qu’en monovision classique. Si la multifocalité améliore la performance de l’oeil dominant en vision de près, et celle de l’oeil non dominant en vision de loin, il existe une plage de « recouvrement » entre la vision des deux yeux, et la plupart des patients opérés ne ressentent pas spontanément la différence entre la réfraction des deux yeux.

L’originalité de la correction proposée ici  repose sur l’induction d’une multifocalité contrôlée, c’est à dire l’induction d’une amélioration de la vision de loin et de près, qui n’est pas identique entre l’oeil dominant (vision de loin et intermédiaire privilégiées) et l’oeil non dominant (vision de près et intermédiaire privilégiées).

Elle a été conçue pour être utilisée avec les lasers Wavelight (EX 500). Ce modèle permet, grâce au mode F-CAT (ou Custom Q) de personnaliser la valeur de l’asphéricité cornéenne cible (Q) en postopératoire.  Il est particulièrement adapté à l’utilisation d’un nomogramme de correction asphérique visant à induire une multifocalité oculaire, dont le siège est la cornée. La multifocalité est guidée par la modification de l’asphéricité du profil cornéen.

 

Pourquoi et comment modifier l’asphéricité cornéenne?

L’asphéricité correspond à une variation de courbure entre le sommet cornéen (vertex) et la périphérie, le long d’un méridien. La courbure gouverne le pouvoir réfractif de la cornée, et toute augmentation de l’asphéricité revient à une augmentation de la différence de courbure entre le centre et la périphérie cornéenne, et donc une variation plus impotante du pouvoir réfractif de la cornée

Contrairement à une conception erronée liée une incompréhension du rôle optique de l’asphéricité de la cornée,  la modification de l’asphéricité cornéenne (hyperprolaticité) ne permet pas de fournir à l’oeil opéré une augmentation de sa performance en vision de près.

Au contraire, rendre plus prolate la cornée d’un oeil emmétrope reviendrait à le rendre globalement hypermétrope. La réfraction centrale ‘(paraxiale) demeurerait en effet inchangée, mais l’aplatissement périphérique de la cornée serait responsable d’une réduction de la vergence des rayons lumineux réfractés par les bords de la cornée.

Pour permettre à l’asphérisation prolate de fonctionner, il faut induire une réfraction myopique centrale suffisante pour autoriser une bonne acuité visuelle de près non corrigée. L’apshéricité hyperprolate permet alors un retour vers l’emmétropie  des rayons réfractés par la moyenne périphérie cornéenne (voir la page consacrée à l’étude des liens entre asphéricité cornéenne et multifocalité pour plus d’explications sur les fondements théoriques de cette approche).

Ainsi, la myopisation centrale est obtenue au prix d’une surcorrection centrale de la réfraction, comme en monovision classique, mais l’emmétropisation rapide en périphérie de la pupille (pour améliorer la vision de loin ») est obtenue grâce à l’asphérisation négative .

On peut ainsi reformuler cette méthode par l’induction d’une asphéricité cornéenne plus prolate que celle mesurée en pré opératoire (= facteur Q plus négatif), qui permet de réduire l’effet de la myopisation vers les bords de la pupille.

Pour programmer cette méthode, le chirurgien doit entrer les paramètres de la correction laser à délivrer dans le mode dit « F-Cat » ou « custom Q » du laser Wavelight.

Effet de l’asphéricité cible plus prolate

Comme expliqué plus haut, il est essentiel de de raisonner à l’inverse des préceptes habituels : la chirurgie multifocale efficace par le module de programmation du laser excimer « custom-Q » consiste à corriger l’œil non dominant pour la vision de près. Ceci requiert l’induction d’une myopisation centrale au sein de la zone optique programmée. L’asphérisation consiste alors à ajouter de la puissance négative (soustraire de la puissance positive) vers la région plus périphérique de la zone optique. Cette réduction de la puissance ajoutée au centre est liée à l’aplatissement périphérique rapide du profil cornéen. Cette réduction graduelle et le retour à l’emmétropie en moyenne périphérie de la zone optique vis à ce que l’acuité visuelle de loin soit supérieure à celle d’un œil qui serait « monofocalement » uniformément myope au sein de la zone optique.

Les explications fournies ici explicitent que plus on asphérise (plus on vise une valeur négative du facteur Q), plus on tend à donner de la vision de loin,  et non de la vision de près. Un modèle théorique publié dans le Journal of Refractive Surgery en 2014 suggère que la valeur optimale pour la variation de l’asphéricité (ΔQ) soit comprise entre -0.6 (faible démyopisation périphérique) et -0.8 (forte démyopisation).

 

Asphériser ne suffit pas: intérêt de la myopisation centrale

Une fois établie la valeur désirable du changement d’asphéricité cornéenne destiné à induire une réduction rapide de la puissance réfractive au sein de la pupille, il reste à déterminer de combien de dioptries il faut surcorriger l’œil hypermétrope destiné à bénéficier de la multifocalité pour obtenir une vision efficace non corrigée de près, en gardant à l’esprit qu’en vertu des principes établis précédemment, la sur-correction (myopisation centrale) et l’asphérisation négative (démyopisation rapide vers la périphérie) ont des effets opposés.

Il devrait être superflu de rappeler la nécessité d’une myopisation centrale. Les rayons qui traversent le centre de la pupille seront ainsi focalisés sur la rétine s’ils sont émis par des objets situés à faible distance de l’oeil considéré (typiquement la distance de lecture). Le changement d’asphéricité cornéenne induit une démyopisation vers les bords de la cornée. Ainsi, en vision de loin, les rayons périphériques induisent une image rétinienne focalisée pour les cibles observées (grâce à la zone pupillaire emmétropisée en moyenne périphérie) et en vision de près, ce sont les rayons centraux qui assurent une image focalisée pour rayons émis par les cibles rapprochées.

L’observation minutieuse du devenir de patients hypermétropes et presbytes opérés avec différentes plateformes de lasers excimers (Nidek, Technolas  Bausch & Lomb, Alcon –Wavelight) conjuguée à des travaux de modélisation mathématique auxquels il a été fait allusion précédemment m’ont conduit à adopter mettre au point un nomogramme précis pour la correction de la presbytie chez l’hypermétrope presbyte.

Des vérifications cliniques sont en cours pour en affiner les recommandations. Ses principes généraux sont expliqués dans le paragraphe suivant.

Principes du nomogramme de Gatinel pour la correction de l’hypermétropie et presbytie

Dans cette stratégie, il convient dans la plupart des situations d’emmétropiser l’œil dit « dominant », et d’appliquer le nomogramme décrit plus loin pour l’œil « non dominant ».  Cette différence permet de conjuguer les avantages de la monovision sans son inconvénient principal qui est la réduction de la sensation de la vision en relief (stéréopsie), et l’impression parfois désagréable ressentie par le patient d’une différence importante de vision entre les deux yeux.

Seule la  correction de l’oeil non dominant est intentionnellement multifocale, même s’il est possible de réaliser une chirurgie multifocale bilatérale, en particulier chez les patients pour qui l’obtention d’une vision de près sans correction est l’enjeu principal de la chirurgie, et qui n’effectuent pas (ou rarement) des activités à haute sollicitation visuelle en vision de loin (conduite de nuit, golf, etc.). De plus, la correction intentionnellement monofocale de l’hypermétropie de l’oeil dominant permet le plus souvent d’améliorer la vision intermédiaire, et réduire sensiblement le flou en vision de près.

En préopératoire, il faut mesurer la correction nécessaire à la vision de loin, et l’addition minimale permettant au sujet de lire avec l’oeil non dominant un texte dont la police correspond à Parinaud 2.

– La somme de ces corrections (loin + près) correspond alors à la valeur minimale à considérer pour programmer le laser en vue d’une correction efficace en vision de près. Un minimum d’addition de +2 D semble nécessaire pour ne pas induire de sous correction en vision de près. Une stratégie équivalente consiste à viser une réfraction postopératoire comprise entre -2D et -2.50D.  Si l’oeil non dominant présente une hypermétropie de +2D, la correction à programmer est de +4.50D pour viser une réfraction postopératoire pupillaire centrale de -2.50D.

Quelle valeur cible pour le facteur Q d’asphéricité faut-il introduire dans le logiciel du laser pour obtenir le maintien de la puissance optique au centre de la pupille (myopie nécessaire à la vision de près), et une emmétropisation plus périphérique ? Rappelons que la réponse à cette question a été apportée par une modélisation précise de l’œil opéré en partant du postulat que la valeur désirable d’aberration sphérique négative est de C40 = -0.3 microns sur une zone de 6 mm (soit une variation ΔC40 = -0.4 microns sur 6 mm, car la valeur du coefficient C40 est généralement proche de +0.1 microns avant l’intervention).

La valeur à programmer pour l’asphéricité postopératoire est égale à l’asphéricité initiale moins un ΔQ proche de -0.6 (dans le cas d’une valeur d’asphéricité Q égale à -0.25, il faut programmer une valeur égale à Q=-0.85)

– le traitement est délivré sur une zone optique de 6 mm pour l’oeil non dominant.

Affiner la valeur de cette aberration sphérique « désirable » supposerait de connaître certains paramètres oculaires, tels que la kératométrie centrale, le diamètre pupillaire « moyen » en vision de loin, la profondeur de la chambre antérieure, etc.  Rappelons si cela était encore nécessaire que l’enjeu de l’asphérisation est d’ induire une valeur d’aberration sphérique négative dont le différentiel entre la puissance centrale et les bords correspondent approximativement à un écart de 1.50 à 2.50 Dioptries (en considérant que la vision de près requiert un excès de vergence du même ordre au centre de la zone optique: la périphérie de la zone optique est alors emmétropisée).

 

Concrètement, pour corriger un hypermétrope nécessitant une correction de +1.50 D de loin, et une addition de +2.00 D pour la vision de près (œil non dominant), il faut programmer au minimum +3.50 D sur une zone optique de 6 mm (myopie visée = -2D), et choisir un facteur Q réduit d’une valeur de -0.6 (ex : -0.85 si l’asphéricité cornéenne initiale est -0.25).

Voici en images exemple concret où ce nomogramme a été appliqué avec succès.

Résumé des données cliniques chez un candidat au LASIK hypermétrope et presbyte, notamment désireux de ne plus porter de lunettes pour lire de près les instructions de son ordinateur de plongée, mais sans "sacrifier" une bonne vision non corrigée de loin.

Résumé des données cliniques chez un candidat au LASIK hypermétrope et presbyte, notamment désireux de ne plus porter de lunettes pour lire de près les instructions de son ordinateur de plongée, mais sans « sacrifier » une bonne vision non corrigée de loin. L’oeil non dominant est le droit.

 

L’asphérisation négative tend à réduire l’ablation maximale périphérique d’une correction hypermétropique (qui ne « creuse pas » la cornée au centre). Ceci est bien entendu lié à la géométrie « hyperprolate »: le profil de la cornée à atteindre en postopératoire étant plus plat en périphérie, il est situé « plus haut » (à une moindre profondeur) qu’un profil moins prolate.

profils d'ablation asphériques

Comparaison des profils d’ablation de l’œil droit et de l’œil gauche délivrés lors du LASIK bilatéral. Alors que la correction de l’œil droit (+3.50 D) est en magnitude centrale égale au double de celle de l’œil gauche (+1.75 D), la différence de profondeur d’ablation maximale n’est que de 10 microns (34 microns vs 24 microns). Les traitements « asphériques » de l’hypermétropie avec « hyperprolatisation » ont une profondeur d’ablation moindre que les traitements « sphériques » où ceux qui n’induisent pas de modification intentionnelle de l’asphéricité cornéenne.

La figure suivante récapitule les résultats objectifs topo aberrométriques (OPD SCAN III) obtenus pour l’oeil droit et l’oeil gauche.

Comparaison entre les cartes topoaberrométriques (OPD Scan III) avant (en haut) et après (en bas) réalisation du LASIK. A droite, la variation obtenue pour l’aberration sphérique cornéenne est proche de -0.4 microns, alors qu’à gauche, elle est proche de zéro. La carte en vergence de l’œil droit révèle un « ilôt » central de réfraction myopique.

Comparaison entre les cartes topoaberrométriques (OPD Scan III) avant (en haut) et après (en bas) réalisation du LASIK. A droite, la variation obtenue pour l’aberration sphérique cornéenne est proche de -0.4 microns, alors qu’à gauche, elle est proche de zéro. La carte en vergence  (carte OPD) de l’œil droit révèle un « ilot » central de réfraction myopique.

 

Un détail des cartes de vergence (carte OPD) permet de vérifier l’induction d’un véritable gradient de vergence (multifocalité) au sein de la pupille de l’oeil droit. Ces cartes ont l’intérêt de montrer directement les variations de puissance réfractive au sein de la surface pupillaire (les cartes de topographie cornéenne ne renseignent pas directement sur la multifocalité effectivement atteinte après chirurgie de la presbytie).

 

 

Comparaison entre les cartes de vergences et les acuités visuelles non corrigées obtenues pour les yeux droits (custom Q) et gauche (pas d’asphérisation intentionnelle).

Comparaison entre les cartes de vergences et les acuités visuelles non corrigées obtenues pour les yeux droits (custom Q avec asphéricité hyperprolate et myopisation centrale) et gauche (pas d’asphérisation intentionnelle, mutlifocalité d’amplitude plus faible que pour l’oeil droit).

 

 

Les résultats cliniques de cette stratégie sont actuellement analysés pour améliorer le nomogramme, en fonction du degré de correction programmée et des caractéristiques préopératoires de l’œil opéré (kératométrie, apshéricité, etc.). Dans certains cas, il est nécessaire d’augmenter légèrement (ex: + 20% à 25 %) la valeur correspondant à l’addition des sphère de correction pour la vision de loin et de près, en particulier pour les patients largement presbytes (accommodation résiduelle faible à nulle). Il est probable que l’induction d’une asphérisation négative induise une réduction de la vergence cornéenne un peu « trop proche » du centre de la cornée, ce qui conduit à légèrement anticiper cette réduction de puissance centrale. De plus, la moindre profondeur d’ablation en périphérie induite par la modification du facteur Q (vis à vis de celle qui serait atteinte par une correction sphérique) tend à être un peu « sous correctrice » en pratique.

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